samedi 7 septembre 2013

"Le contentement, l'indolence sont choses précieuses; tout comme ces journées passables où l'on courbe l'échine, où ni la douleur ni la joie n'osent élever la voix, où tout n'est que murmure discret. Malheureusement, je suis fait de telle sorte que j'éprouve beaucoup de difficultés à supporter ce genre précis de bonheur. Il m'inspire très vite une haine et un dégoût intolérables qui me poussent à chercher désespérément refuge dans les sentiments d'une autre intensité, dans les plaisirs ou, si nécessaire, dans les souffrances. Lorsque je n'ai ressenti ni joie ni douleur pendant un certain temps et que j'ai goûté à la médiocrité tiède et insipide de ces journées prétendument agréables, mon âme naïve est agitée par une souffrance et une détresse particulièrement violentes. Alors, je jette à la face béate de la divinité satisfaite et somnolente la vielle rouillée qui accompagne mon chant de grâce, préférant à cette température moyenne et saine la morsure d'une douleur intérieur cuisante, proprement infernale. Je sens brûler en moi un désir sauvage d'éprouver des sentiments intenses, des sensations; une rage contre cette existence en demi-teinte, plate, uniforme et stérile; une envie furieuse de détruire quelque chose, un grand magasin par exemple, une cathédrale, ou moi-même; une envie de commettre des actes absurdes et téméraires, d'arracher leur perruque à quelques idoles vénérées, de munir deux ou trois écoliers rebelles du billet tellement désiré qui leur permettrait de partir pour Hambourg, de séduire une petite jeune fille ou de tordre le cou à quelques représentants de l'ordre bourgeois. Car rien ne m'inspire un sentiment plus vif de haine, d'horreur et d'exécration que ce contentement, cette bonne santé, ce bien-être, cet optimisme irréprochable du bourgeois, cette volonté de faire prospérer généreusement le médiocre, le normal, le passable. "

H.H.



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